Lettre à la juge militaire et générale
Madame,
Je me permets de vous écrire pour vous demander d’ordonner la libération immédiate du chirurgien palestinien Khaled Al Serr, arrêté dans la bande de Gaza occupée, qui est détenu par les autorités israéliennes dans des conditions équivalant à une disparition forcée depuis le 24 mars 2024.
D’après ses collègues, Khaled Al Serr, 32 ans, a été arrêté à l’hôpital Al Nasser à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, lorsque l’armée israélienne a totalement encerclé l’hôpital et perquisitionné les lieux. À la connaissance d’Amnesty International, le docteur Khaled Al Serr agissait conformément à son devoir en tant que professionnel de santé et aurait dû être respecté et protégé en tant que tel. Un de ses codétenus libéré par la suite a raconté aux médias qu’il avait été témoin des actes de torture que Khaled Al Serr avait subis, notamment en ayant la barbe arrachée avec des pinces. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International et d’autres organisations indépendantes de défense des droits humains auprès de professionnels de santé palestiniens détenus et récemment libérés, les autorités israéliennes – tant l’armée que les services pénitentiaires – soumettent régulièrement les professionnels de santé détenus à la torture et à d’autres mauvais traitements.
Jeune chirurgien dévoué et talentueux, Khaled Al Serr compte parmi ceux qui avaient décidé de rester à l’hôpital Nasser pour s’occuper des patients même lorsqu’il était encerclé par l’armée israélienne. Selon l’Organisation mondiale de la santé, au moins 214 professionnels de santé ont été arrêtés par les forces israéliennes dans l’exercice de leurs fonctions depuis novembre 2023. Selon le ministère palestinien de la Santé, au moins 106 sont détenus ou portés disparus, beaucoup dans des conditions qui s’apparentent à une disparition forcée.
La disparition forcée constitue un crime au regard du droit international et une violation flagrante des droits humains. En vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, lorsqu’elles sont commises dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, elles peuvent constituer des crimes contre l’humanité. La torture et les autres formes de mauvais traitements sont strictement interdites par le droit international et peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Ces pratiques sont contraires aux obligations internationales incombant à Israël au regard du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.
En outre, dans une situation de conflit armé, il importe de respecter et de protéger les professionnels de santé et les établissements de soins exerçant leurs fonctions humanitaires, et de ne jamais les prendre délibérément pour cibles.
Aussi je vous demande d’obtenir la libération de Khaled Al Serr et de révéler le sort réservé à tous les professionnels de santé palestiniens victimes de disparitions forcées aux mains d’Israël, le lieu où ils se trouvent et leur statut juridique. Tous ceux qui sont détenus arbitrairement doivent être libérés sans délai. Dans l’attente de la libération de Khaled Al Serr, je vous demande de veiller à ce que sa famille soit informée par les autorités pénitentiaires du lieu où il se trouve, de son sort et des motifs de son arrestation, le cas échéant.
Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de ma haute considération.
Adressé à:
Brig. Gen. Yifat Tomer Yerushalmi
Military Advocate General
Israel Defence Forces